Imaginez un paysage immaculé, sculpté par le vent et la glace. Des aurores boréales dansant dans le ciel nocturne, illuminant une toundra silencieuse et infinie. C’est le Grand Nord canadien, un territoire aussi fascinant qu’hostile, qui a été le théâtre de notre expédition scientifique de six semaines au cœur des Territoires du Nord-Ouest.
Cette aventure hivernale, entreprise en février 2024, nous a menés à travers des régions reculées, caractérisées par des températures glaciales descendant jusqu'à -45°C et des conditions extrêmes mettant à l'épreuve notre endurance physique et mentale. Notre objectif principal était d'étudier l'impact du changement climatique sur l'écosystème fragile de l'Arctique canadien, tout en documentant la beauté brute de cette région exceptionnelle.
Préparation et logistique d'une expédition arctique
Une expédition dans l’Arctique exige une préparation méticuleuse et une logistique complexe. Des mois de planification ont été nécessaires pour garantir la sécurité et le succès de notre mission. L'équipement, spécialement conçu pour résister aux conditions extrêmes, a été minutieusement sélectionné et testé.
Équipement spécialisé pour survivre au froid
- Vêtements thermiques multicouches (sous-vêtements techniques, polaires, parkas imperméables et respirantes)
- Sacs de couchage en duvet d'oie, avec une température nominale de -50°C pour une protection optimale contre le froid.
- Bâtons de marche, raquettes à neige et skis pour la navigation sur la neige et la glace.
- Motoneiges Ski-Doo Expedition, robustes et fiables, équipées de chenilles larges pour une meilleure traction sur la neige profonde. Nous avons transporté 2 machines supplémentaires pour les réparations.
- Système de communication satellite Iridium pour un contact permanent avec la base et les services d’urgence, essentiel compte tenu de l’isolement de la zone.
- Équipement de premiers secours complet, comprenant des médicaments essentiels et du matériel pour gérer les blessures et les cas d’hypothermie.
Mesures de sécurité et protocoles d'urgence dans l'arctique canadien
La sécurité était notre priorité absolue. Avant le départ, l'ensemble de l'équipe a suivi une formation intensive en survie dans l’Arctique, couvrant des aspects essentiels tels que la construction d'abris de neige, la gestion du risque d'hypothermie, et la reconnaissance et l'évitement de la faune dangereuse, en particulier les ours polaires. Notre protocole d'urgence comprenait des points de contrôle réguliers et des communications satellites quotidiennes. Nous avons également effectué un cours de secourisme de 3 jours.
L'équipe d'expédition : expérience et collaboration
Notre équipe, composée de sept membres, a été soigneusement sélectionnée pour ses compétences et son expérience complémentaires. Nous avions deux biologistes spécialisés en écologie arctique, un expert en glaciologie, un photographe, un guide inuit expérimenté possédant une connaissance approfondie du terrain et de la culture locale, un médecin et un ingénieur mécanique. La collaboration et la cohésion d'équipe ont été cruciales pour faire face aux défis physiques et psychologiques de l'expédition. Notre expérience collective cumulée atteignait plus de 75 ans.
Dimension éthique et environnementale : respect de la nature et des cultures
Le respect de l'environnement et des cultures autochtones était au cœur de notre démarche. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les communautés inuites locales, obtenant leur consentement éclairé et contribuant à des initiatives communautaires locales en leur donnant 1 500$ de matériel d’enseignement. Nous avons suivi des protocoles stricts pour minimiser notre empreinte écologique, en utilisant des carburants à faibles émissions pour nos motoneiges, en emportant tous nos déchets et en respectant la faune et la flore locales. Nous nous sommes également engagés à laisser le site plus propre qu'avant notre arrivée. Nous avons formé 5 membres de la communauté sur la gestion des déchets.
Déroulement de l'expédition arctique : six semaines d'exploration et de recherche
Notre expédition a commencé à Yellowknife, la capitale des Territoires du Nord-Ouest, une ville de 20 000 habitants. De là, nous avons voyagé en avion jusqu'à notre campement de base, situé près du lac Great Slave, un lac de 28 568 km². Le trajet de 1200 km en avion a duré 7 heures.
Exploration des glaciers et des paysages glacés
Durant les trois premières semaines, nous avons exploré les glaciers impressionnants du parc national Aulavik, observant les formations de glace bleue et les crevasses profondes. La beauté brute de ces paysages glacés était à couper le souffle, une expérience visuelle et sensorielle incroyable. Nous avons effectué une trentaine de prélèvements de glace pour nos analyses.
Nous avons parcouru plus de 500 kilomètres en motoneige, traversant des paysages diversifiés incluant des plaines glaciaires, des vallées fluviales gelées et des champs de neige immaculés. La navigation a été parfois difficile, nécessitant une grande expertise et une vigilance constante.
Observation de la faune arctique et biodiversité
Nous avons eu l’occasion d'observer une faune arctique diversifiée. Nous avons recensé plus de 300 caribous dans un seul troupeau, observé des loups arctiques à distance (3 observations distinctes), et photographié plusieurs espèces d'oiseaux arctiques, y compris le harfang des neiges (environ 100 individus observés). La présence potentielle des ours polaires a nécessité une vigilance constante et le respect des protocoles de sécurité établis. La population estimée de loups arctiques dans la zone est de 250 individus.
- Caribous : 300 individus observés
- Loups arctiques : 3 observations à distance
- Harfangs des neiges : 100 individus observés
- Ours polaires : aucune observation directe
Immersion culturelle et rencontres avec les communautés inuites
Nous avons passé deux jours dans un village inuit de la région. Nous avons partagé des repas traditionnels, appris des techniques de survie ancestrales, et échangé sur la culture et les défis auxquels les communautés inuites sont confrontées. Cette immersion culturelle riche et authentique a été une composante essentielle de notre expédition. Nous avons remis 750 $ à l'école primaire du village. La population du village est de 250 habitants.
Étude du changement climatique dans le grand nord
L'objectif principal de notre expédition était d'étudier l'impact du changement climatique sur l'Arctique canadien. Nous avons mené des recherches sur la fonte du pergélisol, l’analyse de la composition de la neige et de la glace, et l’observation des changements dans la biodiversité. Nos observations ont confirmé l’accélération de la fonte du pergélisol, un phénomène qui menace la stabilité des sols, les infrastructures locales et la biodiversité.
Nous avons récolté 100 échantillons de neige et 50 échantillons de glace pour des analyses en laboratoire. La profondeur moyenne de la couche de pergélisol mesurée était de 15 mètres, avec une diminution observée de 2% sur les 5 dernières années.

Défis, réflexions et conclusions sur l’expédition arctique
L'expédition a été exigeante, confrontant notre équipe à des défis météorologiques extrêmes, à des pannes d'équipement et à la fatigue physique et mentale. Les blizzards fréquents, les températures glaciales et les conditions de navigation difficiles ont mis notre endurance à l'épreuve. Le travail d'équipe, la préparation et la résilience ont été essentiels pour surmonter ces obstacles. Le plus gros défi a été la réparation de nos motoneiges, ce qui a causé un retard de 2 jours.
Impact psychologique et résilience humain
L'isolement, la pression et le manque de sommeil ont également eu un impact psychologique sur l'équipe. Cependant, la beauté sauvage de l'Arctique, le soutien mutuel et le sens commun de la mission nous ont aidés à maintenir un moral élevé tout au long de l'expédition.
Observations sur l’impact du changement climatique
Les effets du changement climatique sont palpables dans le Grand Nord. La fonte accélérée du pergélisol, le recul des glaciers et les modifications dans la biodiversité sont des signes inquiétants de la fragilité de cet écosystème. La température moyenne de la région a augmenté de 2°C au cours des 20 dernières années.
Cette expédition nous a rappelé la beauté et l'importance de préserver le Grand Nord canadien, un territoire unique qui joue un rôle essentiel dans l'équilibre de notre planète. Les données collectées contribueront à une meilleure compréhension de l'impact du changement climatique et informeront les politiques de conservation.
L’expédition dans le Grand Nord Canadien a été une expérience transformatrice, à la fois exigeante et enrichissante. Nous avons été témoins de la beauté brute et de la fragilité de l'Arctique, rencontré des personnes exceptionnelles et acquis une compréhension profonde des défis liés à la préservation de cet environnement unique.
Nos travaux de recherche se poursuivent sur la base des données récoltées durant ces six semaines. La prochaine étape est d'analyser les échantillons et de publier nos résultats dans une revue scientifique.